Maîtriser au mieux les polluants intérieurs

Pourquoi cette pollution est trop souvent sous-estimée ?

Historiquement, réputés pour être le fruit d’une contamination extérieure, les polluants que nous avons l’habitude de rencontrer chez nous sont de nature complexe et variée, et donc difficiles à identifier. L’installation d’un capteur de pollution extérieure permet de mesurer le taux d’exposition d’un grand nombre de personnes sur une zone urbaine donnée. Toutefois, le logement de chacun constituant un micro-environnement à caractère privatif, il est alors impossible de mener les mêmes recherches et d’en extrapoler les résultats à d’autres logements, même voisins. La récente création d’organismes dédiés tels que : l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) en 1999, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) ou encore Santé Publique France, concourent à mieux appréhender cette thématique, souvent incomprise.

Les polluants intérieurs chimiques : les équipements de la maison

D’origines diverses, ces polluants proviennent généralement des équipements de la maison, des produits d’entretien utilisés au quotidien ou encore de l’activité de ses occupants. Le formaldéhyde notamment, est un polluant chimique émis par les mousses urée-formol des cloisons, les meubles encollés et certaines colles utilisées pour les moquette et autres revêtements de sol. Les retardateurs de flamme, tout comme le bisphénol A contenus dans certains canapés ou autres modificateurs endocriniens, présents dans les plastiques, s’évaporent en moins de quelques mois dans l’air de notre intérieur, provoquant alors des répercussions violentes sur notre santé.

Les polluants intérieurs chimiques : les produits d’entretien

Généralement présentés sous forme d’aérosols, nos produits d’entretien libèrent une quantité importante de composés organiques volatils, qui se sont multipliés ces dernières années. A température ambiante, ces derniers sont aéroportés, facilitant ainsi leur mise en suspension dans l’air dans notre habitat. Alertés par leurs effets potentiellement mutagènes, reprotoxiques et cancérigènes sur notre santé, les organismes de protection des consommateurs (1, 2), proposent en substitution des produits labellisés peu émetteurs ou des produits traditionnels comme le vinaigre blanc ou le bicarbonate de soude. Toutes les essences parfumées telles que les encens, parfums, bougies mais aussi huiles essentielles s’apparentent également à ces polluants chimiques, du fait de leur forte concentration en benzène.

Les polluants intérieurs chimiques : le monoxyde de carbone

Le monoxyde de carbone occupe, quant à lui, une place spécifique dans la famille des polluants intérieurs chimiques. Produit lors d’une combustion incomplète, il s’accumule si l’air de la pièce n’est pas suffisamment renouvelé conduisant alors, à une intoxication à l’oxyde de carbone ou CO. En France, on a recensé en 2016-2017, environ 1000 cas d’intoxication et 100 décès. Le bon réglage des appareils de combustion, l’usage limité des chauffages d’appoint, associés à une bonne ventilation de votre intérieur font partie des gestes préventifs à adopter pour se prémunir de ce type d’incident.

Les polluants intérieurs chimiques : le dioxyde de carbone 

Ce gaz issu de la respiration humaine n’a pas de conséquence directe sur notre santé, sauf à une proportion élevée. Une forte concentration de dioxyde de carbone témoigne d’un air insuffisamment renouvelé, pouvant ainsi conduire à une accumulation de polluants chimiques comme les composés organiques volatils que l’on retrouve fréquemment en milieu scolaire et dans les établissements recevant du public.

Les polluants intérieurs chimiques : le tabagisme

Renfermant un nombre plus qu’élevé de composés chimiques, 4 000 environ, il s’agit là d’un polluant chimique particulier. Son usage régulier détériore grandement la qualité de notre environnement intérieur, car sa complexe composition masque souvent les aérocontaminants tels que les particules ou les composés volatiles organiques.

Les polluants particulaires

Au sein du logement, ces particules présentes en suspension dans l’air, émanent des appareils à combustion, activités culinaires, tabagisme et cheminées. Dans les pays en voie de développement, l’utilisation de combustibles de mauvaise qualité comme : les débris végétaux, déjections animales ou encore charbon de bois, altèrent considérablement la bonne combustion et l’évacuation de la fumée de ces éléments. Ainsi, la surexposition régulière à ces polluants affectent les conditions sanitaires de tous, notamment, des plus jeunes avec des cas recensés de pneumonie, d’asthme, broncho-pneumopathie chronique, etc. Dans les pays développés, leurs effets sont encore mal connus, même si on relève de plus en plus de cas d’asthme (3, 4). Classées en fonction de leur diamètre, les particules peuvent être grossières, inhalables, fines et ultra fines. Toutefois, une particule est réactive chimiquement, en fonction de la grandeur de la zone de contact sur laquelle elle va s’apposer en milieu ambiant.

Les polluants microbiologiques : les acariens

Proliférant dans les intérieurs bien chauffés au taux d’humidité relativement élevé, les acariens prennent leur quartier dans les objets rembourrés et la literie. L’essentiel de leurs allergènes sont contenus dans les particules fécales qu’ils laissent derrière eux. Pour le patient allergique, une exposition prolongée à ces allergènes à des conséquences nocives tant sur le plan clinique, que spirométrique, que médicamenteux. C’est pour cela que des mesures d’éviction ont été étudiées et mises en place dans l’accompagnement du suivi du patient allergique (5-7).Toutefois, celles-ci s’avèrent relativement décevantes, du fait de leurs procédures parfois inefficaces sur la diminution du taux d’allergénicité, de la présence potentielle d’autres éléments aérocontaminants non pris en compte ou encore de l’hétérogénéité génétique parmi les patients sensibilisés à ces allergènes. Parmi ces mesures d’éviction, interviennent à présent dans certaines régions, des personnels spécialisés, conseillers habitat-santé ou conseillers en environnement intérieur. Ces derniers sont appelés à la demande du médecin traitant pour réaliser un audit environnemental du logement et conseiller les propriétaires sur les correctifs à apporter, notamment, pour les anomalies de construction du bâtiment, bien souvent à l’origine de l’excès d’humidité.

Les polluants microbiologiques : les moisissures intérieures

Présentes dans 15 à 20 % des intérieurs français, les moisissures affectionnent les régions humides bénéficiant d’un climat tempéré. L’impact sanitaire lié à une exposition répétée aux moisissures a plusieurs effets : une action allergique liée à la présence d’allergènes sur les spores et le mycélium, un caractère irritatif, du fait des substances pro-inflammatoires se trouvant dans la paroi fongique, ainsi qu’un mécanisme toxique en relation avec la production, par le métabolisme de certaines moisissures hydrophiles, de mycotoxines (8-10). Dans de nombreux cas relevés d’allergènes acariens, l’existence et la prolifération de moisissures relèvent le plus souvent d’un défaut du bâti. Pour éviter toute propagation de moisissures et des substances les accompagnant, les procédés de décontamination doivent être rigoureux. Les travaux de réhabilitation de bâti peuvent d’ailleurs bénéficier d’aides publiques.

Les polluants microbiologiques : les blattes ou les cafards

Les immeubles souvent mal entretenus recèlent de cancrelats, comme les blattes et les cafards qui apprécient d’autant plus les cuisines et les logements humides. Renfermant des allergènes, leur carapace est un nid allergisant qui provoque rhinite ou asthme allergique. Outre, la prise en charge de médications anti-allergique et/ou antiasthmatique, il s’avère primordial de mettre en place des mesures de décontamination aussi pour son habitation, que les appartements voisins mais également des parties communes de l’immeuble. 

Les polluants microbiologiques : les animaux de compagnie

Près de 11 millions de chats et 9 millions de chiens peuplent les maisons françaises. Leur attachante compagnie, égaye le cœur de tous, petits comme grands. Toutefois, ils peuvent être, notamment pour les chats, hautement allergisants, induisant ainsi des réactions tels que de l’asthme et des rhinites chez les sujets sensibles. A ce jour, il n’existe aucune mesure efficace pour tolérer la cohabitation avec l’animal, même si de plus en plus de foyers s’orientent vers l’acquisition de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC), comme les rats, souris, gerbille, … Très populaires, ces petits rongeurs peuvent également provoquer des manifestations allergiques après quelques semaines à leur contact. L’éviction complète aux allergènes a ses limites, c’est pourquoi il est généralement préconisé d’introduire l’élément allergène par un contact précoce, de façon à induire petit à petit une tolérance à celui-ci.

Les polluants radioactifs

Parmi les polluants, il en est un radioactif très puissant provenant de la dégradation de l’uranium résidant dans l’écorce terrestre. Particulièrement présent dans les sols granitique et volcanique, le radon s’infiltre dans les logements par l’intermédiaire des pores et fissures ou des eaux souterraines, contaminant ainsi votre logement par le gaz qui s’en libère. L’impact sanitaire le plus couramment relevé serait le risque de cancer des poumons, avec un taux important de l’ordre de 20 % dans les régions les plus concernées par ce phénomène (11),comme la Bretagne, le Massif central, les Alpes, les Pyrénées et le massif de l’Estérel. Grâce à un dosimètre placé dans votre habitation pendant 2 mois et renvoyé à la société de dosage concernée, un dépistage est facile et peu coûteux, de l’ordre de 25 €. Si une présence de radon est décelée, des travaux d’étanchéité du sol de votre maison seront à prévoir pour se prémunir des effets nocifs de ce radioélément sur votre santé.

Les polluants intérieurs, encore quelques zones d’ombre

Même si les connaissances en matière de polluants intérieurs ont largement évolué depuis les 20 dernières années, de nombreuses questions demeurent en suspens. Par exemple, nous ne maîtrisons que peu les conséquences d’une action conjuguée de différents polluants, ce que l’on appelle plus communément « l’effet cocktail ». Le caractère spécifique des particules et leur effet en fonction de la composition chimique, le développement d’indicateurs biologiques d’exposition, les interactions entre génétique et environnement ou encore la gestion technique et sociétale de l’habitat insalubre sont autant de problématique à résoudre, pour lesquelles nous n’avons, à ce jour, pas toutes les données souhaitées.

Références

1) Agir contre la pollution de l’air intérieur. Que choisir santé, n°120, Octobre 2017

2) Entretenir sa maison au naturel. Alerte aux toxiques invisibles. 60 millions de consommateurs, n°188, avril 2017

3) Gordon SB, Bruce NG, Grigg J, Hibberd PL, Kurmi OP, Lam KB, et al. Respiratory risks for household air pollution in low and middle income countries. Lancet Respir Med , 2014; 2: p.823-890

4) Painschab MS, Davila-Roman VG, Gilman RH, Vasquez-Villar AD, Pollard SL, Wise RA, et al. Chronic exposure to biomass fuel is associated with increased carotid artery intima-media thickness and a higher prevalence of atherosclerotic plaque. Heart 2013; 99: p.984-991

5) Custovic A, Wijk PG. The effectiveness of measures to change the indoor environment in the treatment of allergic rhinitis and asthma: ARIA update (in collaboration with GA(2)LEN). Allergy 2005; 60: p.1112-1115

6) Hammarquist C, Burr ML, Gotzsche PC. House-dust mite control measures for asthma. Cochrane Data base Syst Rev 2008; (2): CD 001187

7) Leas BF, D’Anci KE, Apter AJ, Bryant-Stephens T, Lynch M, Kaczmarek JL, Umscheid CA. Effectiveness of indoor allergen reduction in asthma management: A systematic review. J Allergy Clin Immunol 2018 Feb 13. pii: S0091-6749(18)30223-9. Doi

8) Fisk WJ, Lei-Gomez Q, Mendell MJ. Meta-analysis of the association of respiratory health effects with dampness and old in homes. Indoor Air 2007; 17:p.284-296

9) Mendell MJ, Mirer AG, Cheug K, Tong M, Douves J. Respiratory and allergic health effects of dampness, mold and dampness-related agents: a review of the epidemiologic evidence. Environ Health Perpect 2011; 119: p.748-756

10) Tischer C, Chen CM, Heinrich J. Association between domestic mould and mould components and asthma and allergy in children: a systematic review. Eur Resp J 2011; 38: p.812-824

11) Ajrouche R, Ielsch G, Cléro E, Roudier C, Gay D, Guilleric J, et al. Quantitative health risk assessment of indoor radon: A systematic review. Radiat Prot Dosimetry 2017; 177: p.69-77

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